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Stérilisation contraceptive : mon corps, mon choix ?

La stérilisation à visée contraceptive est inscrite dans la loi française depuis 2001. Pourtant, de nombreuses femmes voulant y avoir accès n’arrivent pas à leurs fins.

La stérilisation à visée contraceptive, c’est quoi ?

La stérilisation, féminine ou masculine, est un acte chirurgical, pratiqué par un médecin. C’est une méthode contraceptive qui se distingue des autres méthodes car elle est définitive et irréversible. Pour les femmes, il s’agit de la ligature des trompes et pour les hommes, la vasectomie.

La stérilisation à visée contraceptive est inscrite dans la loi française depuis 2001, et est encadrée par des conditions strictes :

  • Seules les personnes majeures peuvent y avoir recours.
  • Après une première consultation où le.la patient.e fait état de sa demande au médecin, le délai de réflexion est de 4 mois.
  • Si la réflexion menée au cours de ce délai conduit la personne à maintenir sa demande, elle le confirme par écrit.
  • Puis vient l’acte chirurgical, qui ne peut se dérouler que dans un établissement de santé (hôpital ou clinique).

Dans la réalité, de nombreux obstacles

Mais dans les faits, cela est souvent bien plus compliqué, et particulièrement pour… les femmes. En effet, de nombreuses patientes ne trouvent pas de médecin voulant les accompagner dans cette démarche, remettant en cause leur désir de pratiquer cet acte irréversible. Laura-Marina, 33 ans, mère de 2 enfants de 10 et 3 ans dans le sud de la France, témoigne :

« Cela fait trois ans que je bataille pour avoir recours à la stérilisation. J’ai vu plus de 10 médecins : aucun n’a accepté de me le faire. Ils me disent que suis soi-disant trop jeune, ou que je n’ai pas assez d’enfant, et que je pourrais regretter. Pourtant, c’est un choix mûrement réfléchi. J’ai de gros soucis avec mes cycles menstruels, d’énormes douleurs, des migraines. Je tombe aussi enceinte très facilement, même sous contraceptif. La solution serait de me faire ligaturer les trompes, mais on choisit à ma place que ce n’est pas possible ! »

Un cas qui n’est malheureusement pas isolé. Lorsque nous avons lancé l’appel à témoins sur la stérilisation à visée contraceptive via nos réseaux sociaux, c’est une centaine de témoignages que nous avons recueillis, en seulement quelques heures. De nombreuses femmes décrivent un sentiment de solitude face à un corps médical sourd. Ophélie, 27 ans, sait depuis plusieurs années qu’elle ne veut pas d’enfant, et prend la pilule depuis ses 15 ans. Aujourd’hui dans une relation stable, elle a débuté les démarches pour être stérilisée. Un véritable parcours du combattant, qui n’a, à ce jour, pas encore abouti :

« Je sais depuis très longtemps que je ne veux pas d’enfant. J’ai commencé à réfléchir à la stérilisation au printemps 2021. J’ai cherché des témoignages de personnes pouvant me renseigner, par peur de me retrouver confrontée à un gynécologue réticent, voire violent dans ses propos. J'ai donc pris un rendez-vous à 1h20 de chez moi, avec un gynécologue qui m’a demandé que je consulte un psychologue. Mais au 2ème rendez-vous, il a changé d’avis ! Il a voulu repousser l’opération, pour ne pas dire refuser. Ça a été une très grosse déception. J’ai pris un autre rendez-vous avec un gynécologue réputé pour accepter la stérilisation volontaire, qui m’impose un suivi psychologique avec un délai de réflexion plus long, de 6 mois. Me voilà donc aujourd’hui en recherche d’un psychologue qui puisse attester que je suis saine d’esprit et que je comprends bien le caractère définitif de l’opération ! Plusieurs professionnels ont refusé d’emblée le principe même de me faire une attestation. J'espère pouvoir être opérée d'ici l’été, afin d'être enfin libérée de la peur de grossesse et de mes règles que je supporte difficilement. »

Et les hommes ? Lorsqu’ils font le choix de la vasectomie, ils peuvent aussi se confronter à des difficultés, mais cela semble, d'après les témoignages que nous avons reçus, plus rare. La médecine serait-elle donc patriarcale ? Aude, 34 ans et mère de 2 enfants de 3 et 6 ans, témoigne :

« Après nos 2 enfants, on savait avec mon conjoint que c’était fini pour nous les bébés ! J’ai fait de nombreuses démarches pour pouvoir me faire stériliser. Au bout du 5ème refus d’un gynécologue -toujours pour les mêmes raisons : j’étais « trop jeune » et je pouvais le regretter, selon eux- mon conjoint m’a dit qu’il allait faire une vasectomie. Il a rapidement trouvé un médecin qui était d’accord pour pratiquer l’intervention. Quand un homme ne veut pas d’enfant, on dit que c’est un choix. Par contre, quand c’est une femme, on lui dit qu’elle est trop jeune ou qu’elle changera d’avis ! »

Le non-désir d’enfant, ultime tabou ?

Illana Weizman, sociologue, militante féministe et auteure de « Ceci est notre post-partum » aux editions Marabout, analyse cette situation :

« Dans la médecine, il y a cet aspect très paternaliste : « Vous allez changer d’avis » etc. C’est comme si on considérait qu’une femme qui ne veut pas d’enfant, c’est impossible ! De plus, les femmes qui arrivent à ce choix là y ont longuement réfléchi ! On ne se lève pas un matin en se disant : « Je vais me ligaturer les trompes » et de toute façon, c’est son corps. Ça ne touche à la fertilité de personne d’autre, ça ne change rien à la vie de personne qu’une femme se fasse ligaturer les trompes. Mais on le refuse car on a toujours cette injonction suprême à la maternité et à l’enfantement. Si on s’en prive, tout le monde aura son mot à dire : les médecins, les proches, la société. On va dire à la femme : « Es-tu bien sûre ? » alors qu’une femme qui veut des enfants, on ne lui dit pas « Es-tu bien sûre que tu veux des enfants ? » Le fait de ne pas désirer d’enfant et de finalement faire l’acte qui va rendre la chose définitive, c’est impensable, c’est quelque chose qui est extrêmement tabou ! Il y a en plus cette suspicion de folie, de laisser penser qu’une femme ne doit pas être bien mentalement si elle veut un truc pareil. Alors que non : ce sont des personnes qui sont très rationnelles, c’est un choix qui est pensé. »

Les femmes souhaitant une stérilisation volontaire se heurtent donc encore aujourd’hui au tabou qu’est le non-désir d’enfant. Heureusement, il arrive aussi à certaines d’entre elles de trouver des médecins qui les écoutent et accompagnent leur choix. Élodie, maman de jumeaux et vivant en Belgique, témoigne :

« J'ai accouché de jumeaux mixtes en octobre, après une grossesse interminable et un accouchement chaotique. Je vais me faire ligaturer les trompes le 14 février prochain. Avec mon compagnon, nous voulions 2 enfants. Hop ... c'est chose faite ! »

Chaque année, 35 000 stérilisations féminines et 2 000 masculines sont pratiquées, selon une enquête de l'Inserm et de l'Ined.

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