5 psychologues alertent, dans une tribune parue dans Libération, des conséquences psychiques de l’obligation du port du masque pour les enfants dès 6 ans. LMDM a rencontré l'une d'elles.
Alexandra Flouris - Nous avons travaillé avec 4 de mes collègues psychologues à l’écriture de cette tribune. Cela faisait déjà un moment que nous nous interrogions sur le sens des mesures sanitaires et le poids que ça faisait peser aux enfants. Lorsque le gouvernement a annoncé l’obligation du port du masque dès 6 ans, on s’est dit qu’il fallait qu’on prenne la parole.
On s’était toutes interrogées sur le poids des mesures pendant le premier confinement pour un enfant, le fait d’être enfermé à la maison, culpabilisé à l’idée de pouvoir contaminer leurs grands-parents, sans accès à l’école, sans pouvoir jouer avec leurs pairs… On a aussi pensé aux enfants seuls à la maison avec les parents, aux enfants de parents séparés et à tous les conflits que cela pouvait faire ressortir… Et on avait l’impression qu’on ne pouvait pas parler, ni penser, ni s’interroger sur les mesures car on avait tous peur, on était tous sidérés. Donc ça nous semblait important aujourd’hui de relancer le débat.
On impose des règles aux enfants qui sont un copié-collé des règles des adultes. Mais quid de ce qu’on leur fait vivre et quel sens ça peut avoir pour eux ? Bien sûr qu’à 6 ans ils vont comprendre l'intérêt du masque, et son utilité. Le risque c’est qu’ils se sur-adaptent. Pour répondre aux demandes des adultes, ils mettent le masque et ne disent rien, mais cela ne veut pas dire que ça n'a aucune conséquence !
C’est la question de la spontanéité qui est interrogée avec le masque. C’est-à-dire sa spontanéité, son impulsivité naturelle et le lien avec les autres, qui sont des choses déterminantes pour la construction de chaque enfant.
Quand finalement la communication est entravée par l’adulte en face qui porte un masque, quelqu’un qui ne va plus pouvoir montrer ses émotions, on voit que l’enfant va être perturbé par cette absence de réaction. Et quand l’enfant lui aussi doit pouvoir s’exprimer, notamment à l’entrée en CP, c’est complexe avec un masque.
Oui ! Car qu’est-ce que ça renvoie dans le lien à l’autre ? Est-ce que l’autre est dangereux ? Suis-je, moi-même, dangereux pour les autres ? Vais-je contaminer mes parents, mes professeurs, mes grands-parents ? Ça interroge pour la suite, sur les conséquences. On sait que l’absence de lien social et la difficulté à communiquer peuvent marquer fortement les enfants.
Il peut y avoir des comportements d’inhibition, où l’enfant va se renfermer sur lui, etc. On peut imaginer les conséquences, nous sommes déjà témoins des inquiétudes des enfants aujourd’hui, on voit dans nos cabinets à quel point les enfants sont marqués par la question du Covid.
Bien sûr ! Apprendre à lire sans les labiales, cela peut être très difficile pour certains enfants. Et toute l’énergie que les enfants dépensent pour le masque -le mettre, l’ajuster, le gérer pour ceux qui ont des lunettes- c’est de l’énergie et du temps qui sont perdus sur les apprentissages. De plus, il faut quand même voir que les enfants lorsqu’ils sont à l’école ne vont pas quitter le masque. Nous en tant qu’adulte, il y a quand même plein de moments où l’on va l’enlever un peu. Eux, non, c’est toute la journée, même pendant la récréation !
Il y a effectivement plein d’arguments dans la presse qui disent que les enfants s’adaptent donc il n’y a pas de danger. Oui ils s’adaptent mais la question elle n’est pas là ! Les enfants vous les mettez dans un placard ils vont s’adapter à la vie dans un placard, c’est aberrant !
On nous a souvent demandé « pour ou contre le masque ? ». La question elle n’est pas là ! La question c’est la souplesse des mesures et comment on peut adapter les nécessités sanitaires en respectant les besoins des enfants. Il faut de la souplesse et de la communication, ce qui manque cruellement depuis le début de cette crise.