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Crise sanitaire et confinement : quelles conséquences sur les dépressions du post-partum ?

« Quand une maman est trop seule avec son bébé, c’est une position inhumaine, aller mal dans ces conditions, c’est normal » : Hélène Ouahès, psychiatre au service de périnatalité de l’hôpital du Vésinet, nous explique l’influence qu’ont pu avoir la crise sanitaire et le confinement sur les dépressions du post-partum.

LMDM - Pouvez-vous en premier lieu nous rappeler ce qu’est la dépression du post-partum ?

Hélène Ouahes - La dépression du post-partum, c’est un état dépressif à proprement parler. Ça ne doit pas être confondu avec le post-partum blues, ou baby blues, qui est une forme de tristesse arrivant dans les 3 jours après l’accouchement et qui est très fréquente, mais qui n’est pas un symptôme psychiatrique franc, et qui est régressif rapidement. Par contre, quand les symptômes commencent à s’installer, après 15 jours, 1 mois, là on peut penser à la dépression du post-partum, qui nécessite un traitement. Cela concerne entre 15% et 20% des accouchements, avec des signes typiques de la dépression.

Comment la crise sanitaire a-t-elle pu influer sur ces dépressions ?

Il y a quelque chose d’extrêmement important pour ces mamans qui accouchent : c’est l’étayage social et familial. C’est-à-dire que normalement, une maman qui accouche, elle a son mari, sa mère, la famille, les amis autour d’elle… Ce sont des relais et des cercles concentriques autour du bébé, dans lesquels les parents et la mère en particulier trouvent du soutien, et sur lesquels ils peuvent s’appuyer. Ça, c’est très important dans les facteurs de la dépression : le fait qu’il n’y ait pas d’étayage social ou familial, ou qu’il soit très défavorable. L’isolement, le peu de vie sociale sont aussi des facteurs négatifs, d’autant plus s’ils durent dans le temps. Le Covid-19 et le confinement ont énormément accentué ce facteur là, qui est un facteur dépressogène.

Un bébé quand il arrive, pour grandir sur le plan psychologique, il lui faut des interactions. Les interactions c’est la communication, le contact physique, l’ambiance qui règne autour de lui, et l’état de la maman. Le bébé est très sensible à ça. On imagine bien qu’une maman qui a accouché seule a la maternité, qui y est restée très peu de temps, avec des professionnels qui n’ont pas pu complètement joué leur rôle faute de temps, quand elle rentre a la maison et qu’il n’y a pas de visite… C’est très compliqué ! Il y a toutes les raisons de faire une dépression.

Concernant les accouchements : certaines mamans nous décrivent des états de choc, des souvenirs flous voire inexistants, un sentiment de dépossession de leurs corps. Comment l’expliquer ?

Cela peut s’expliquer par différentes raisons. Un accouchement qui s’est passé en catastrophe, le stress de la situation… Le fait qu’elles aient accouché seules n’aide pas non plus. Souvent, la tierce personne présente à l’accouchement raconte l’histoire à posteriori. Les mamans reconstituent alors le souvenir, ce tiers aide à refaire l’histoire. Cette absence de tiers fait que les mamans restent dans un espace de vide, personne n’était là pour re-raconter ce qu’il s’est passé. Il y a aussi quelques fois des traitements pour la douleur qui peuvent créer un état sédaté. Le fait aussi que les équipes étaient peut-être stressées... Les jeunes mamans ont pu être choquées des conditions d’accouchement, c’est un événement stressant. La solitude dans l’accouchement, c’est difficile.

Nous avons reçu de nombreux témoignages de mamans qui culpabilisent de ressentir ces états dépressifs : quels conseils pourriez-vous leur donner ?

Le tout c’est d’arriver à ne pas rentrer dans le cercle vicieux de la dépression. Aller mal à un moment donné, être fatiguée ou épuisée, pleurer, ne pas y arriver, c’est normal ! Le problème de la culpabilité fait qu’on ne va pas oser en parler, ça va nous renfermer, et donc à cause de la culpabilité on entretient cet état. En réalité, il ne faut pas se culpabiliser de cet état, c’est normal. Il faut aller chercher à l’extérieur des appuis. Se tourner vers le médecin généraliste, la PMI, un psychologue ou psychiatre, des associations comme Mamans blues, un CMP, une sage-femme…Surtout sortir de l’isolement.

Encore une fois, l’étayage, c’est vraiment très important. Le bébé, il naît de la maman, mais en réalité il rentre dans le monde. La maman ne peut pas porter tout. Il faut qu’il y ait des cercles concentriques autour du bébé et de la maman. Quand une maman est seule avec son bébé, quand elle est trop isolée, c’est une position inhumaine. Aller mal dans ces conditions, c’est normal.

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