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Coronavirus : "Il faut parler vrai aux enfants"

Inquiétude, frustration, ennui : les enfants ne sont pas épargnés psychologiquement par cette période difficile. Comment trouver les bons mots pour leur expliquer le contexte actuel ? 

On en parle aujourd’hui avec Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne et auteure de La charge mentale des enfants paru en janvier dernier aux Éditions Larousse. 

LMDM- Le contexte actuel inédit peut déjà s’avérer traumatisant pour des adultes, qu’en est-il des enfants ? Sont-ils plus inquiets ? 

Aline Nativel Id Hammou – Je dirais que les enfants vont davantage être préoccupés par leurs ressentis d’ennui, de frustrations, de pertes de mouvement, de liens sociaux et de liberté que celui de l’anxiété en lien avec le fait d’être malade. L’enfant sera plus inquiet pour ses adultes de références (parents, grands-parents, amis) car il aura peur pour eux (hospitalisation, confinement dans une chambre, décès). L’anxiété va se créer en réaction aux attitudes ou discours des adultes face à l’épidémie et au confinement.  

Comment donc adapter son discours sur le virus et le confinement avec des enfants ? 

Il faut leur parler vrai, en toutes circonstances, sur l’ensemble des thématiques les concernant de près ou de loin dans leur environnement social. Que veut dire parler vrai ? Tout simplement, ne pas mentir, ne pas tourner autour du pot, ne pas alléger les faits, ne pas complexifier le discours, ne pas trop l’intellectualiser, en somme, leur parler avec  authenticité et vérité. En résumé, faire court, vrai, simple et droit dans les yeux. L’enfant se rassure quand il parvient à mettre du sens ce qu’il vit avec les autres et gère mieux ses émotions. 

Il est essentiel de combiner la parole avec du visuel auprès de l’enfant. Un livre, un dessin ou un objet va apporter une dimension ludique indispensable. L’adulte doit aussi être attentif et observateur de la réaction de l’enfant pour repérer les éléments du discours à développer ou pas.

Un autre point important : quand l’adulte énonce son discours, il doit laisser l’enfant le couper, le ralentir, le questionner pour que cela devienne une communication à deux non directive et pas un monologue d’adulte, auquel, l’enfant est peu réceptif en général.

Il faut expliquer les raisons sanitaires prises par le gouvernement. C’est aussi un moyen de définir ce que c’est concrètement et aussi parler des autres pays du monde. Cela peut être aussi un bon moyen pour expliquer le fonctionnement d’un gouvernement, le rôle de chaque ministère et celui du président de la République voire le contexte géopolitique, tout dépend de l’âge et l’intérêt de votre enfant sur ce sujet. 

Quels moyens concrets pouvez-vous nous conseiller ? 

Le dessin ou le jeu fonctionne bien avec les petits. La plupart des petits ont déjà été malades, il faut partir de leurs expériences de la maladie. Il faut bien préciser que des docteurs s’occupent des personnes malades et que ses parents s’occuperont aussi de lui.

Il y a plusieurs outils possibles pour sensibiliser les petits : 

  • Une carte géographique pour retracer le parcours du virus.
  • On peut créer une histoire avec le « roi Virus ».
  • Un livre sur le corps humain pour expliquer les symptômes et comment on peut attraper le virus sur certaines parties du corps.
  • Faire de lui un héros participant à battre le virus (créer un costume, des missions).
  • Le virus est partout : on peut prendre des images d’objets, lieux, partie du corps, créer une image de virus et le coller sur presque tout. 

Dans certaines familles, il arrive que l’un des parents travaillant à l’extérieur ou bien infecté par le virus, s’astreigne à ne plus câliner ses enfants pour ne pas les exposer au virus. Comment rendre cela moins violent ? 

Il faut mettre en avant la description complète du métier du parent dans le soin ou dans d’autres domaines comme le commerce, l’hygiène, en faisant le lien avec les risques de contamination. Là encore, plusieurs moyens concrets : 

  • Créer une poupée ou doudou avec les habits et traits caractéristiques du parents pour encourager un lien transférentiel avec ce parent en particulier. 
  • Le parent peut prendre des photos sur son lieu de travail, pour expliquer ce qu’il fait, les protections qu’il porte au travail.
  • L’autre parent prend le relai et augmente les gestes d’affectivité pour que l’enfant ressente moins le manque.
  • Utiliser des signes d’affections différents : achat de chocolats préférés, dessins, messages tous les matins sur le miroir, envoi régulier de SMS, enregistrer sa voix pour l’histoire du soir. 
  • Faire une chorégraphie de l’amour avec 1m de distance, créer une chanson sur son amour et lui chanter tous les jours. 
  • Lui faire une dédicace sur son uniforme de travail. 

L’enfant doit pouvoir comprendre que l’on peut montrer son amour de 1001 façons, même si les gestes de tendresse sont importants. L’adulte devra aussi lui expliquer que lui aussi ressent ce manque et que c’est compliqué pour lui. 

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