Caline Majdalani, psychologue clinicienne au Centre des Troubles Anxieux et de l’Humeur à Paris, spécialisée dans la prise en charge de la cyclothymie chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte répond à nos questions.
Caline Majdalani : Déjà, c’est souvent un semble de signes qui alertent, pas un signe isolé. Ce qui ressort principalement :
Effectivement tous les experts ne sont pas d’accord. Tout dépend du référentiel théorique auquel on se réfère pour faire un diagnostic. Si c’est le référentiel classique alors vous ne pouvez pas poser un diagnostic de bipolarité juvénile. Si vous avez un référentiel différent, plus évolué, qui tient compte de manifestations moins classiques, vous pouvez diagnostiquer. Pourquoi ? Parce que les symptômes de la bipolarité ne sont pas les mêmes chez l’adulte et chez l’enfant. Si pour rechercher de la bipolarité juvénile on applique au sens strict le diagnostic de la bipolarité chez l’adulte alors on peut passer à côté de beaucoup de choses. Chez l’adulte, on décrit des phases très nettes et plus ou moins longues qui rompent avec le fonctionnement habituel : des symptômes dépressifs pendant un certain temps, et puis à d’autres moments de l’euphorie par exemple. Le cerveau immature de l’enfant n’est pas capable d’avoir des épisodes francs comme ça. La bipolarité juvénile ressemble plus à de la cyclothymie adulte c’est-à-dire des micro-phases en permanence, dues à une instabilité émotionnelle de nature.
Non, ce n’est pas systématique. On fait tout notre possible pour éviter ou – si ce n’est pas possible – retarder au maximum la prise de médicaments. Pour cela on accompagne les enfants (dans la régulation de leurs émotions) ET les parents (dans la gestion de l’enfant et ses colères) en thérapie. Tout ça avec un thérapeute qui comprend les parents : c’est primordial. Si vous allez voir un psy et que vous vous sentez jugés, c’est que ce n’est pas la bonne personne et qu’il/elle n’est pas sensibilisé(e) au sujet. Après pour la médication, il faut toujours peser la balance bénéfice/risque : personne n’aime les traitements, mais la question est « que peut-on faire pour que l’enfant se développe au mieux avec le moins de conséquences possibles ? ». La bonne nouvelle est que les traitements ne sont pas toujours à vie. C’est au long cours oui, mais tout va dépendre de chaque personne : le traitement est donné le temps que l’équilibre soit atteint que – pendant cette accalmie – l’enfant puisse faire ses apprentissages (réguler ses émotions, travailler ses compétences relationnelles...).
Caline Majdalani a co-écrit les livres « Cyclothymie - Troubles bipolaires des enfants et adolescents au quotidien » et « J'apprends à gérer ma cyclothymie » aux Éditions Josette Lyon.