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Box, crèmes et pilules : le post-partum est un business comme les autres

[Billet d’humeur]

 

Il y a 15 ans, je suis arrivée à Paris. Comme beaucoup d’étudiants qui vivent dans une ville où il faut lâcher un demi Smic pour espérer se loger, j’ai dû me trouver un petit boulot. Je ne sais pas si c’est le complet hasard ou une attirance déjà certaine pour la parentalité qui m’y a menée, mais j’ai atterri dans un magasin d’articles de puériculture et jouets. Je me retrouvais donc tous les samedis matins -accusant souvent un petit déficit de sommeil, dû à l’époque à des vendredis soirs quelque peu déraisonnables- à (essayer de) vendre poussettes et écharpes de portage. N’y connaissant rien au sujet, la responsable de la boutique -une femme qui avait l’amour du chiffre- me prodigua quelques conseils : il fallait, en fonction des clients et de leurs besoins, les diriger vers tel ou tel produit, tout en donnant des mots-clés : « favorise le développement » ; « motricité fine » ; « sécurise bébé » ; « Montessori » ; « améliore la qualité de sommeil » ; « recommandé par les pédiatres » etc. Ces argumentations solides devaient automatiquement générer chez les jeunes parents le sentiment qu’ils ne pouvaient pas se passer de ce mouche-bébé électrique ou de ce hochet multi-sensoriel premier âge. C’est à cette époque-là que j’ai compris 3 choses : 1. La puériculture, en plus d’être un business énorme, est sans fin, puisque tous les ans de nouveaux bébés -et donc, de nouveaux parents- voient le jour. 2. Prenez des personnes quelque peu fatigués, stressés, ayant peur de mal faire -de jeunes parents en somme- et brandissez l’argument du bien-être de leur bébé : vous pouvez à peu près leur vendre tout et (surtout) n’importe quoi. 3. La vente n’était pas faite pour moi.

Quelques années plus tard, je suis devenue mère. Et ne croyez pas que parce que j’étais passée par la case « vendeuse en puériculture », j’ai échappé à la règle : non. J’ai acheté toutes sortes de choses aussi chères qu’inutiles, dans des magasins où des jeunes filles me disaient : « motricité fine » ; « sécurise bébé » ; « Montessori » etc. Mais à l’époque -c’était il y a 10 ans- on parlait encore peu du post-partum. À peine quelques mots de la sage-femme sur ces mois étranges et redoutables, à peine quelques lignes dans la littérature spécialisée, et logiquement : rien à vendre.

Et puis. Le post-partum est devenu un sujet. Un soulagement pour de nombreuses mères -car se retrouver seule avec tout un tas de symptômes, physiques, psychiques, dont personne ne vous a jamais vraiment parlé : not cool. Enfin, on rend visible ce qui était invisibilisé : la femme après l’accouchement, son corps, sa tête. On écrit des articles, des livres, on enregistre des podcasts, on fait des émissions : fort bien. Et puis : c’est apparu. Petit à petit. Dans mon fil Instagram (il faut dire qu’avec mon métier, ça fait 3 ans que mon algorithme pense que je suis enceinte). Dans des publicités. Ici et là. Un « vanity post-partum » ; Le « Kit de survie post-accouchement » ; La « culotte post-partum » ; Une « cure cheveux post-grossesse » ; La « crème miracle vergetures » ; Une tisane « maman-bébé » et tutti quanti. Une avalanche de propositions parfaitement marketées, tenant toutes la même promesse miraculeuse : venir en aide aux jeunes mères dans ce moment si délicat.

Vous me direz : pourquoi, pas après tout : si l’un de ces produits peut apporter un peu de (ré)confort, pourquoi s’en priver ? Alors, allons-y, badigeonnons-nous de sérum, huilons-nous gaiement, buvons des tisanes à s’en faire péter la vessie. Mais, pendant qu’on se crème, n'oublions pas de réclamer l’essentiel : un congé maternité digne de ce nom, un co-parent VRAIMENT présent, un entourage bienveillant. Du temps, de l’humain : ces choses qui ne s’achètent pas mais qui valent tout l’or du monde.

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